Eteignoir social
Depuis lundi à 11 heures et deux minutes du matin les jours s'allongent. Pour six mois. Reste à savoir ce qu'on fait et fera, et de ce qu'on nous laissera faire, de ce temps d'un peu de lumière en sus. Samedi, l'avant-dernier jour de l'hiver, on a pu voir à Genève ce que les oubliés de la crise voulaient, et ce à quoi ils avaient à faire. Ces oubliés voulaient qu'on ne les oublie plus. Le Conseil d'Etat (c'est-à-dire, concrètement, sur place, la police) voulaient qu'ils rentrent dans le rang. Et l'oubli. Un millier de personnes s'étaient réunies sur la Plaine de Plainpalais pour entendre pendant deux heures les témoignages des Oubliés. Puis, une centaine d'entre elles s'étaient mises en marche pour tenter de défiler dans les rues, ce dont les organisateurs du rassemblement (la Communauté genevoise d'action syndicale) avaient sollicité en vain l'autorisation : que les Oubliés se rassemblent, soit. Mais qu'on les voie marcher dans les rues de la Ville, surtout pas ! Et autant de policiers robocopés que de manifestants furent déployés pour que la marche des seconds s'interrompe sur le Marché aux Puces. Là où on retrouvera en effet quelques libertés fondamentales. Et là où les Oubliés peuvent prendre conscience du destin auquel ils sont voués par ceux qui les veulent faire oublient -mais n'oublient pas l'"économie". Il paraît qu'on va pouvoir dans les jours qui viennent pouvoir commencer à se faire vacciner contre la Covid. Pour vacciner les gouvernants contre l'usage de l'éteignoir social, en revanche, on ne dispose pas de grand chose. Sinon, précisément, du droit de manifester. "Dans un esprit festif et combattif", avec ou sans "l'assentiment de nos chères autorités", selon les mots de l'invitation du "Parti objectif de la Genève oubliée" (POGO) à manifester samedi dernier.