Rafistolages
Toute guerre a une fin (même s'il faut l'attendre sept, trente ou cent ans). Et à la fin de celle d'Ukraine, la Russie sera toujours là, à l'est de l'Europe, au nord de l'Asie. Et Poutine aussi, vraisemblablement, jusqu'en 2036 (il n'aura que 84 ans, après tout...). Il faudra bien faire avec l'une et l'autre. Mais cette guerre a fait une victime collatérale : la neutralité suisse. Certes, elle n'est pas morte (un mythe peut-il mourir ?), mais elle a dû se redéfinir pour prendre quelque crédibilité tout en permettant à la Suisse de s'aligner sur l'Union Européenne et de reprendre les sanctions imposées à la Russie. Cet alignement est contraint -comme d'ailleurs la neutralité suisse elle-même le fut, et il ne lui arrive que ce qui est arrivé au secret bancaire : sous la pression extérieure la Suisse cède. Elle reformule sa neutralité, la réduit à une non-alliance militaire, admet qu'elle peut s'accompagner d'une alliance politique. Au fond, ce n'est qu'une constatation de ce qui fut toujours le cas : la Suisse ne faisait partie ni de l'Axe, ni de l'Entente, ni de la Triplice, ni de l'OTAN (ni du Pacte de Varsovie...), mais elle pactisa avec l'Allemagne impériale puis avec l'Allemagne nazie et leurs alliés quand ils étaient plus forts que leurs adversaires, puis avec les adversaires de l'Allemagne quand ils devinrent plus forts qu'elle et ses alliés. Et pendant toute la guerre froide, nul n'ignorait qu'elle était dans le camp "occidental". Qu'elle réaffirme aujourd'hui y rester face à la Russie n'est donc pas une nouveauté bouleversifiante mais un rafistolage.