L'histoire tel que l'Etat la conte...
On connaît la phrase de Gramsci (on la connaît même si bien qu'on la sert à toutes les sauces, mais la comprend-on ?) : "Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres". Gramsci parle de son temps et de son monstre : celui du fascisme. Nous sommes sans doute, à nouveau, dans un "clair obscur", entre chien et loup -mais qui sont nos monstres ? Poutine ? trop commode... Et, puisque nous sommes le 14 juillet, qui fut un jour révolutionnaire avant que d'être dévalué en fête nationale par une république bourgeoise, quelle Bastille prendre pour qu'un peu de lumière dissolve les monstres ? Des deux tours de sa présidentielle aux deux tours de ses législatives, et avant son défilé militaire rituel de jeudi, la France n'a, ces derniers temps, guère donné d'une telle lumière, lors même qu'elle aime à se voir comme un pays de révolutions et les Français comme un peuple indocile. L'Etat a d'ailleurs fait d'une insurrection la fête nationale -autrement dit : la fête de la Nation, comme si cette insurrection, celle du 14 juillet 1789, n'avait pas été, précisément, une insurrection de la Nation contre l'Etat lui-même, ou plus précisément encore, pour parler comme Pierre Clastres, de la société contre l'Etat ? Politiquement, l'histoire est toujours un conte quand elle est écrite par les pouvoirs en place...